Table des matières
Introduction
La fausse couche est une épreuve douloureuse pour les femmes qui en sont victimes. Cette « grossesse arrêtée » est souvent difficile à comprendre et à vivre, ce qui peut laisser les femmes seules et isolées dans leur douleur. Dans cet article, nous allons évoquer ce qu’est une fausse couche, les chiffres de différentes études scientifiques, les raisons de la fausse couche pouvant être évoquées, ce que peuvent vivre et ressentir toutes ces femmes, ainsi que l’absence d’écoute du monde médical qui les plonge dans une douleur encore plus intense, allant parfois jusqu’au déni et l’impossibilité de traverser le deuil en cours.
Définition et chiffres clés
Une fausse couche, également appelée avortement spontané ou grossesse arrêtée, est la perte d’un fœtus avant la 20ème semaine de grossesse (environ 5 mois). La plupart des fausses couches surviennent au cours des 12 premières semaines de grossesse. Selon les statistiques, environ 15 à 20% des grossesses se terminent par une fausse couche.
Ce n’est parfois qu’en parlant de l’épreuve qu’elle traverse, que la femme découvre l’ampleur de la chose : 1 femme sur 4 est confrontée à au moins une fausse couche au cours de sa vie et 1 grossesse sur 5 est interrompue par une fausse couche.
Lorsqu’une fausse couche est isolée, il n’y a pas de recherche de causes. Par contre, lorsque les fausses couches sont répétées, un bilan est nécessaire pour essayer de comprendre. En France aujourd’hui, la médecine peut entreprendre un bilan à partir de 3 fausses couches successives.
Les causes de la fausse couche
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles une femme peut « subir » une fausse couche.
Dans la majorité des cas (60 % à 80%), il s’agit d’une anomalie chromosomique de l’embryon. Cela signifie donc que cet évènement est indépendant de ce que la femme aurait pu faire ou ne pas faire, vivre ou ne pas vivre : aliment, rhume, fatigue, évènement stressant, tempérament angoissé, pensée négative…
Les autres causes, qui représentent 20% à 40% des cas, peuvent être liées à une malformation de l’utérus, des perturbations hormonales, une anomalie de la cavité utérine, une hypertension artérielle…
Une étude britannique de 2019 a démontré que « le sperme des hommes, dont la partenaire a subi des fausses couches répétées, a l’ADN 2 fois plus endommagé que celui des autres hommes ». Il est donc important de changer l’inconscient collectif qui laisse planer l’idée qu’une fausse couche est forcément due à la femme.
Ce que peuvent vivre et ressentir ces femmes
Lorsqu’il y a arrêt de grossesse, les statistiques comptent peu. De nombreuses femmes entrent en deuil : deuil de l’enfant à venir, deuil du projet de grossesse dans cet instant, remise en question de sa capacité à pouvoir donner la vie ou non…et tout cela sans être reconnues dans la détresse qu’elles traversent.
La fausse couche peut être une expérience extrêmement difficile pour les femmes qui la vivent. Elles peuvent ressentir une profonde tristesse et un sentiment de perte. Elles peuvent également ressentir de la culpabilité, même si elles n’ont rien fait pour causer la fausse couche. Certaines femmes peuvent également se sentir seules et isolées dans leur douleur, car la fausse couche est bien trop souvent un sujet tabou et donc très peu discuté.
Lorsque l’on s’est projeté dans la parentalité, le deuil est total au moment où la grossesse s’interrompt. L’expérience de la fausse couche est alors l’expérience du deuil. Parmi les manifestations du deuil, on retrouve la colère et la culpabilité. Colère contre l’injustice, contre la grossesse qui s’arrête sans pouvoir rien faire et où l’on se dit « pourquoi moi ». Culpabilité d’avoir peut être mal fait, de ne pas avoir su donner ce dont le fœtus avait besoin, culpabilité d’avoir peut-être eu certaines pensées et certains doutes. La honte peut également être présente parfois : honte de ne pas être capable de donner la vie, de ne pas savoir faire.
L’injonction à dédramatiser et à aller de l’avant peut alors être violente pour la femme qui vient de subir une fausse couche, car elle est dans le « ici et maintenant » du deuil et qu’avant d’en sortir, on doit d’abord le reconnaître, le vivre, être simplement entendue et respectée dans sa douleur. Accorder ce temps du deuil, qui peut être plus ou moins court, est nécessaire.
Anxiété, dépression, on estime que près d’une femme sur trois souffrirait de stress post- traumatique après une fausse couche. Autant de symptômes non pris en charge, négligés et bâillonnés.
L'absence d'écoute du monde médical
Malheureusement, de nombreuses femmes ont également rapporté une absence d’écoute et de soutien de la part du monde médical. Les femmes ont souvent déclaré que les professionnels de la santé minimisaient leur douleur et leur perte, ce qui ne faisait que s’ajouter à leur détresse et à leur isolement.
La fausse couche est la 1 ère cause de consultation aux urgences gynécologiques. Les médecins minimisent donc la chose du fait de la fréquence. Et pourtant, pour la future mère, il s’agit bien souvent d’un véritable drame.
On ne « fait » pas une fausse couche, on la subit et on la traverse. De plus, il n’y a absolument rien de « faux » (malgré le terme « fausse couche ») dans toute cette histoire que l’on vit indépendamment de sa volonté.
En France, on parle d’au moins 200 000 grossesses précocement arrêtées chaque année. Malgré ce chiffre faramineux, le tabou constitué par cet évènement suscite une solitude extrême à un moment où le corps, le mental et l’émotionnel des femmes enceintes sont soumis, brutalement, à un deuil et à un changement de projection total. On pensait donner la vie, être tournée vers la vie et l’on se retrouve confronté à l’absence, à la mort. On sentait son corps changer et réagir, on sentait ses pensées se transformer et tout à coup on est devant le vide…vide intérieur, vide de sens, vide de paroles, vide d’explications, vide de reconnaissance.
Il arrive régulièrement que même certains hommes aient tendance à minimiser la grossesse arrêtée de leur compagne et tout ce qu’elle doit endurer moralement et physiquement pour « évacuer ». Les hommes ont souvent tendance à cacher leurs ressentis par éducation, par pudeur ou par peur d’en rajouter à leur compagne. Et contrairement à ce qu’ils pensent, leurs (absences de) réactions plongent, malheureusement, davantage la femme dans une profonde solitude. Les injonctions, la minimisation et la dédramatisation de l’expérience n’aident en rien.
Déculpabilisation et possibilité de sortir de la solitude
Il est important de comprendre que la fausse couche n’est pas la « faute » de la femme qui la vit, ni dans le présent, ni dans la passé. Les antécédents d’IVG (médicalisée) n’ont pas d’impact sur la fécondité ultérieure. Et quoi qu’en disent certains, on ne choisit pas d’éliminer une grossesse par la pensée. Si chose semblable était possible, on n’aurait plus besoin de contraception ou d’IVG. C’est donc une expérience difficile qui peut arriver à n’importe qui.
La prise en charge émotionnelle de ce deuil, sans rituel et sans reconnaissance, avance à petits pas. Le gouvernement entend, enfin, commencer à lever le tabou sur ce phénomène courant et non moins douloureux. Le 1er janvier 2024, un congé maladie sans jour de carence devrait être proposé aux femmes en cas d’arrêt naturel de la grossesse.
Des aides existent déjà, mais encore trop méconnues, à travers les associations, comme par exemple l’Association Française de l’Aide aux Parents Endeuillés (AFAPE), l’Association Agapa (…) et à travers des professionnels de l’accompagnement spécialisés en périnatalité, comme les hypnothérapeutes et les hypnopraticiens.
Le vécu de l’expérience et l’accompagnement sont déterminants pour la « réparation ».
Clotilde Dabernat